Sauf le désespoir

Publié le par danilo casti

Redouane Lotfy - 40 ans


Depuis quand êtes-vous malade ?
Depuis l’âge de 19 ans. Exactement depuis le 1er avril 1986. Dans la nuit du dimanche au lundi, j’ai été emmené aux urgences psychiatriques par ma famille. Le lendemain, j’ai inauguré mon premier traitement… et mon premier psychiatre ! Lequel m’a immédiatement, en un seul entretien, diagnostiqué schizophréne. A partir de cette date, j’ai la sensation d’avoir dormi… jusqu’au 14 décembre 1991, tellement les médicaments étaient forts et « assomants » au vrai sens du terme. Depuis cette période, je suis continuellement sous médicaments à diverses doses. Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment un médecin peut déclarer comme ça, en voyant quelqu’un, une seule fois pendant une heure, qu’il est schizophréne. J’ai maintenant une relation plus stable avec un psychiatre qui en fait est un ami d’un ami et il me dit que le dagnostic n’est peut-être pas tout à fait celui-là… mais il ne contredit pas non plus son premier confrère. Enfin, tout ça pour dire que jaimerais bien savoir ce que j’ai !

Avant ce fatidique premier avril, que faisiez-vous ?
J’étais étudiant à l’école nationale d’ingénieurs de Rabat (qui est devenue l’ENSEM). J’avais auparavant fait maths sup, maths spé. J’étais un très bon étudiant. Et un jour, alors que j’avais les meilleurs notes de la promo en chimie, j’ai eu 1 sur 20 à un devoir. Cela m’a profondément choqué. Dans le même temps, mon père est tombé gravement malade. Deux mois plus tard, il est mort. C’était par lui que passaient toutes les relations familiales, entre mes frères et sœurs et ma mère. Depuis sa mort, plus rien n’est pareil. Nous vivons maintenant chacun pour soi. Je n’ai plus de relations avec ma famille quasiment. Donc tout cela a fait que en quelques jours, mon état mental s’est détérioré. Un soir il y a eu un épisode délirant qui a fait peur à ma mère et voilà. Premier contact avec la psychiatrie. Cela fait maintenant 20 ans que ça dure.

Aujourd’hui, où en êtes-vous ?
J’ai envie de repartir. J’ai l’impression d’avoir été mis entre parenthèses pendant 20 ans. Malgré mon niveau d’études, j’ai appris que je devais repasser un baccalauréat si je veux reprendre des études. J’ai demandé à suivre des cours dans une université en auditeur libre, cela m’a été refusé par l’administration à cause de mon dossier médical. J’ai l’impression que même si je me sens mieux, même si j’ai envie de tourner la page et d’essayer de repartir ; la maladie et l’idée que les gens s’en font me colle à la peau. Aujourd’hui je vis encore sous le même toit que ma mère, mais en fait je me sens comme orphelin. Seule trouée d’air pur, j’ai rencontré l’association Al Oumnia !

Publié dans Société

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